Pascale et Ourdia, qui animent le groupe d’habitants des Potes âgé.e.s à Paris, partagent leur vision d'habitats participatifs, inspirés de l'esprit convivial des Rosa Bonheur. Entre solidarité, écologie et festivités, elles ambitionnent de créer un mode de vie intergénérationnel. Découvrez leur projet audacieux d'habitats flottants et terriens dans la capitale et en région parisienne.
- Comment avez-vous connu l’association des Pôtes âgé.e.s de Rosa Bonheur ?
Pascale : grâce à Mimi, la présidente de l’association, qui comme moi habite sur un bateau au port de l’arsenal. Elle m’a parlé de l’association lors d’un festival de théâtre organisé par le port et elle m’a proposé de faire un tour au Contre Salon des Vieilles et des Vieux afin de rencontrer d’autres adhérents. Et j’ai pu découvrir la charte et les valeurs des PAG qui m’ont vraiment convaincue du bien-fondé du projet.
Ourdia : J’ai rejoint le projet depuis longtemps et avec enthousiasme. J’avais lu un article sur la maison des Babayagas de Montreuil et je voulais monter le même type d’habitat avec un copain. Puis cet ami est parti vivre à Montpellier et c’est tombé à l’eau. Mais je ne lâchais pas mon idée. Je faisais partie de la chorale des Rosa Bonheur des Buttes Chaumont depuis plusieurs années quand j’ai appris que Mimi avait le même type projet. C’est donc tout naturellement qu’on a commencé à travailler sur la question il y a 8 ans, d’abord de façon informelle, puis j’ai rejoint le conseil d’administration de l’association des potes âgé.e.s à sa création il y a 4 ans.
- Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous investir dans les PAG ?
Ourdia : j’ai très vite su que l'EHPAD ce n’était pas pour moi. Je suis orthophoniste et j’ai toujours refusé d’y travailler car cela m’aurait déprimée et j'aurais probablement rué dans les brancards. Et à titre personnel, je ne voulais pas que ma vieillesse soit un poids pour mes deux filles.
Pascale : Pour moi, c’est une suite logique à mon mode de vie actuel. Quand on habite un port, on partage déjà beaucoup de choses, comme la salle des plaisanciers par exemple. Il y a aussi une solidarité et une entraide entre plaisanciers, de nombreuses activités culturelles partagées qui sont en fait les prémices d’un habitat participatif.
- À quels projets avez-vous participé au sein des PAG ?
Ourdia : j’anime régulièrement depuis un an les cafés des Potes âgé.e.s qui ont lieu le premier dimanche de chaque mois au Rosa Bonheur sur Seine. Nous y abordons des thèmes relatifs au bien vieillir, à la santé ou à l’habitat participatif.
Pascale : j’ai participé aux premiers cafés animés par Fadia et Ourdia dont j’ai beaucoup apprécié la diversité des sujets et puis je me suis impliquée dans OK CHORALE, la chorale intergénérationnelle du Rosa Bonheur sur Seine. Depuis peu, avec Ourdia, on anime un groupe de travail pour constituer un collectif d’habitants pour deux projets d’habitats participatifs que l’on souhaite développer à Paris.
- Quelles sont vos motivations à vivre en habitat participatif ?
Ourdia : C’est une préoccupation de toujours. Même jeune, je me suis penchée sur la question. Ce n’est pas parce que je ne souhaite pas vieillir seule, car j’aime la solitude, mais j’aimerais vieillir en rigolant. Avoir une vie de quartier et puis, quand on ne peut plus sortir, faire en sorte que le quartier vienne à nous. Un lieu solidaire, joyeux avec des gens que je connais et avec qui je pourrais m’amuser et m’engueuler. La vie quoi ! Il y a aussi une raison économique, les maisons de retraite sont extrêmement chères et leur modèle ne me semble pas viable à long terme compte tenu du vieillissement de la population.
Pascale. Je rejoins Ourdia sur l’aspect solidaire. J’aime la vie sur l’eau car on a déjà cette mixité sociale et cette entraide entre plaisanciers. A l'Arsenal, la doyenne a 94 ans. On va la voir à tour de rôle. Elle dit souvent qu’elle ne serait plus là si elle avait été en appartement au moment du covid. Au port de l’Arsenal, nous partageons tout un tas d’activités. Cela maintient une dynamique et crée du lien. D’ailleurs, plusieurs plaisanciers ont rejoint Ok CHORALE, la chorale intergénérationnelle du Rosa Bonheur sur Seine et de l’association des Potes âgé.e.s.
- Pourquoi l’habitat participatif des Potes âgé.e.s ?
Pascale : Pour nous, c’est avant tout s’inspirer de l’esprit guinguette des Rosa Bonheur. Au-delà des valeurs communes que nous partageons avec la plupart des habitats participatifs comme l’inclusion et la solidarité, la convivialité est notre boussole. Cet esprit « joyeux » est très spécifique aux Rosa Bonheur : il est fait de bienveillance, de partage et de musique, de danse, d’humour, de simplicité. C’est vraiment tout le côté festif et convivial de la Camargue qui est monté à Paris.
- Vous êtes co-pilotes du groupe de futurs habitants parisiens, où en êtes-vous ?
Ourdia. Nous en sommes au début de la réflexion. Le projet a deux facettes, un projet d’habitat sur l’eau et l’autre sur terre. On a eu des premiers rendez-vous encourageants avec plusieurs responsables institutionnels de la mairie du 19ème et des canaux. On est en train de réfléchir avec les futurs habitants à nos valeurs, à nos envies, à la prise de décision qui peut parfois être lourde au sein d’un habitat participatif. Par exemple, comment décider si un habitant est toujours en capacité de rester dans son appartement sans danger pour lui-même? La charte des potes âgées unit les différents groupes d’habitants autour d’un socle de valeurs communes mais les règles de fonctionnement qui s’appliqueront à chaque habitat pourront différer.
Pourquoi le choix d’un habitat flottant ?
Pascale : c’est venu naturellement car plusieurs membres de l’association habitent déjà depuis des années sur un bateau. Et comme je le disais plus tôt, sur l’eau le maître mot c’est la solidarité. De plus, il y a de nombreuses considérations écologiques liées à ce mode d’habitat qui est simple et relativement peu consommateur d’espace. Dans un “house boat”, on ne parle pas en m2, le mobilier est déjà plus ou moins intégré à l’habitat. On est en train pré-définir ce que l’on peut proposer car il y a plus de contraintes en termes de design. Notre démarche est également écologique, on se penche sur des questions de récupération des eaux usées, le photovoltaïque, faire des toits végétalisés pour isoler, etc…
- Quelles sont les étapes de concrétisation du projet à Paris ou en région parisienne ?
Ourdia : une rencontre a eu lieu le 31 mars avec le service des canaux de la Mairie de Paris, avec le soutien actif du maire du XIX arrondissement qui a d’ailleurs rejoint notre association, pour présenter notre projet d’habitat flottant. Au-delà, l'association recherche activement d'autres sites d'accueil potentiels et une piste intéressante va être explorée sur la Marne, à Joinville le Pont. L’enjeu majeur est de convaincre les collectivités locales, car il s'agit d'un projet qui nécessite une forte volonté politique. Il est vraiment urgent de trouver de nouvelles formes sociétales face au vieillissement de la population et aux limites du modèle des EHPAD.
Pascale : notre idée dans le 19ème arrondissement serait de créer un écosystème entre l’habitat flottant, le terrien et le Rosa Bonheur des buttes Chaumont où sont proposées depuis des années des activités culturelles et sportives intergénérationnelles. On pourrait créer également des liens avec le port de l’arsenal, programmer des balades sur l’eau. Nous en sommes au tout début de l’histoire, le groupe Paris est récent. On n’a ni foncier, ni canal identifié pour l’instant. Le rôle de l’association c’est de soutenir les groupes d’habitants à concrétiser leurs projets. L'association a développé un réseau au-delà de ses membres, avec le soutien de personnes ressources. Par exemple, le responsable du port de l'Arsenal nous donne des conseils sur la gestion d'un hameau flottant. Un architecte sympathisant de l'association a contribué à la projection du projet à travers des illustrations (voir exemple). C’est idéalisé, mais cela permet de se projeter.
- Votre rêve le plus fou ?
Ourdia : que l’on arrive à accélérer le processus en identifiant du foncier ou un canal où l’on pourrait commencer à se projeter. C’est l’étape la plus compliquée en région parisienne. Mais une fois cette étape passée, j’ai bon espoir que l’on avance vite et d’arriver à vieillir dans la joie et la bonne humeur entourée de gens que j’aime bien.
Pascale : ce serait de vendre au marché notre propre production de fruits et légumes. D’avoir une salle commune avec des activités intergénérationnelles et du partage de compétences artistiques. Créer un petit paradis, tout simplement !
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